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le 06/12/2008 à 17:04:37
LISCANO Carlos
Carlos Liscano est né en 1949 à Montevideo, en Uruguay. Alors qu'il n'a que vingt-deux ans, il subit la terrible répression de la dictature des militaires : il est torturé et emprisonné durant treize ans. Libéré en 1985, il s'exile en Suède jusqu'en 1996. Depuis, il partage sa vie entre Montevideo et Barcelone. C'est en prison que Carlos Liscano a commencé à écrire. Romancier et nouvelliste, l'écrivain est aussi poète, journaliste et dramaturge. Son œuvre est désormais considérée comme l'une des plus importantes d'Amérique latine. Son dernier ouvrage, Souvenirs de la guerre récente, a paru en 2007 aux éditions Belfond. Il s’était déjà fait (un peu) connaître par son théâtre, mais les romans et les nouvelles de Carlos Liscano n’étaient pas encore parus en français. La route d’Ithaque, publié en 1994, est le premier à se voir traduit, aux Editions Belfond. Et la découverte est de taille, tant ce texte impressionne par sa force désespérée, par son humour terriblement grinçant. En parallèle paraissent (chez 10/18) des nouvelles, Le rapporteur et autres récits, qui permettent d’aller plus avant dans l’univers de cet écrivain singulier. L’itinéraire de Vladimir, narrateur de La route d’Ithaque, rappelle en partie celui de l’auteur. Né en Uruguay en 1949, Carlos Liscano a été arrêté par le régime militaire en raison de ses activités politiques. Il commence à écrire en prison, où il passe treize ans (de 1972 à 1985). Libéré à 35 ans, il s’exile en Suède, devient traducteur, journaliste, enseignant, écrivain. De retour en Uruguay en 1996, il vit aujourd’hui entre Montevideo et Barcelone. |
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LA ROUTE D'ITHAQUE
de : Carlos Liscano Editeur(s) : Belfond Genre : ROMAN CONTEMPORAIN Date de Parution : 01/02/2005 Présentation : Broché - 318 pages - 430 g - 14 cm x 23 cm ISBN : 2714440118 - EAN : 9782714440112 Un roman littéraire bouleversant et novateur, par un écrivain majeur en Amérique latine. Dans l'Europe des années 90, l'errance d'un immigré uruguayen conduit par sa quête de liberté à la déchéance. Un héros hors-norme qui dérange, voire qui choque, et qui émeut aussi : Vladimir est un marginal, un déraciné, un révolté et, pour finir, un SDF. Ce livre est également une étude à la fois poignante et réaliste des conditions de vie des immigrés, en particulier les clandestins, en Europe. A l'occasion du lancement de ce grand écrivain, synergie avec 10/18 qui publie Le rapporteur et autres nouvelles. Revue de presse A l'époque où la dictature écrasait l'Uruguay sous sa botte, Carlos Liscano - né en 1949 à Montevideo - avait un peu plus de 20 ans. Un bel âge pour lever le poing, résister aux militaires, en appeler à la rébellion... Résultat: en 1971, ce mouton noir fut jeté en prison, d'où il ne sortit que treize ans plus tard. A sa libération, il s'empressa de plier bagage et se réfugia en Suède, les poches vides et avec quelques rêves meurtris au fond du cœur. S'il est devenu écrivain, c'est peut-être pour que ces rêves-là ne restent pas prisonniers des ombres. Avec La Route d'Ithaque - son premier roman traduit en français - on découvre un vagabond de l'esprit qui, pour avoir moisi longtemps derrière les barreaux, aime l'air du large... Malgré les ténèbres qui la bordent, La Route d'Ithaque n'est jamais misérabiliste : c'est un roman plein de compassion sur les petites gens et les petites âmes qui gardent leur dignité en pataugeant dans la boue. Liscano y ajoute sa tendresse, et un humour à la Buster Keaton. André Clavel - L'Express du 21 février 2005 -------------------------------------------------------------------------------- Vladimir, le héros de cette Odyssée des bas-fonds, finira-t-il par trouver son port du salut dans les bras de la blonde Suédoise qu'il a délaissée après lui avoir fait un enfant ? C'est ce que suggère le début de ce roman de l'Uruguayen Carlos Liscano... Ecrit d'une plume sobre et précise, avec une belle justesse de ton... Philippe Nourry - Le Point du 4 avril 2005 Fuyant son pays pour d’obscurs problèmes de drogue, Vladimir connaît un peu le même parcours que son auteur. Il se rend en Suède, où il rejoint une fille qui ne tarde pas à tomber enceinte. Il travaille dans un asile de vieillards, «un truc à tuer n’importe qui, à assécher vos illusions, les quelques espoirs qu’on pouvait avoir». Lorsqu’il rejoint Barcelone, rejetant la Suède et sa langue impossible («celui qui n’a jamais entendu parler suédois n’a absolument aucune idée de ce que peut être cette langue, dont ils se servent pour tout, à tout moment»), Vladimir tombe encore d’un cran dans la misère humaine. Déraciné, «métèque» errant sans but, il finit par s’installer à la Plaza Real. Une place où cohabitent «des touristes, des petits dealers, des toxicos, des ivrognes, des putes, professionnelles ou non, des proxénètes, des immigrants illégaux, beaucoup d’Arabes, des musiciens de rue, des chanteurs de rue, des danseuses de flamenco de rue, des mendiants de tout poil, des fous de différentes espèces.» Comme pour toutes les grandes œuvres, ce n’est toutefois pas l’histoire qui fait la réussite de La route d’Ithaque. Mais bien plutôt son ton pamphlétaire, son style, son regard décapant sur le monde, qui rappellent parfois Céline. Carlos Liscano ne cache d’ailleurs pas ce qu’il doit au Voyage au bout de la nuit. Au point de lui lancer deux clins d’œil: son incipit – «Tout a commencé je ne sais pas comment» – renvoie au célèbre début du Voyage: «Ça a débuté comme ça.» De même, Céline concluait son chef-d’œuvre par: «…et le ciel et la campagne et nous, tout qu’il emmenait, la Seine aussi, tout, qu’on n’en parle plus.» Liscano clôt de son côté son roman par: «Et alors peu importe que le vent emporte tout le reste, loin, et qu’on ne parle plus de la douleur, jamais. Que tout finisse une bonne fois. S’il vous plaît.» Le personnage de Vladimir lui-même rappelle aussi Bardamu, par son errance comme par sa vision du monde. Parfois, il fait aussi penser à Meursault: avec L’étranger de Camus, il partage le refus du mensonge, la froideur du regard, l’appréhension de l’absurdité de la vie. Une impression qui culmine dans les pages ahurissantes de cynisme où Vladimir – qui affirmait: «Je ne veux pas être père, ni beau-père ni grand-père, je ne veux être rien» – assiste à l’accouchement de sa fiancée d’un temps. «J’étais dans la salle. C’était à vous tuer. La femme écarte les jambes et commence à pousser et à un moment donné la chose sort par là. Incroyable que ce truc puisse s’ouvrir à ce point, comme c’est le cas. Elles ont l’air d’être en caoutchouc, les femmes.» Face à l’absurdité de la société, Vladimir décide un jour de cesser la lutte. «J’avais assez travaillé dans ma vie, trois ans ou un peu plus. Ça suffisait.» Il sera donc mendiant. Cette décision vaut elle aussi quelques pages extraordinaires d’humour noir sur ce qu’il appelle l’esclavage: «Il y a esclavage ou réflexion mais pas les deux à la fois. Si tout le monde se mettait à réfléchir, le monde serait fichu.» Se sentant bien en «ordure du monde», Vladimir va toutefois découvrir qu’«on peut toujours tomber plus bas, un peu plus bas, de quelques centimètres». Désespoir et humour dés-abusé se succèdent ainsi dans cette Route d’Ithaque, dans cette quête d’un quelque part où poser ses valises. Carlos Liscano semble ne craindre aucune outrance, sans pour autant donner l’impression de jouer un rôle de misanthrope, comme c’est trop souvent le cas en France chez les pâles imitateurs de Houellebecq. Liscano, lui, garde toujours une pertinence glaciale et jubilatoire. Il n’épargne rien ni personne, passe des coups de griffe contre le communisme – auquel le père de Vladimir n’a cessé de croire – aux réactions anti-immigrés. Et vient alors rappeler à quel point le regard d’un non-Européen sur ce sujet reste indispensable: «Incroyable la rogne que l’Européen éprouve contre l’immigrant, surtout quand il est en crise, sans se rappeler que c’est précisément sa race qui a pourri le monde, aussi loin qu’on s’en souvienne.» |
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LE RAPPORTEUR ET AUTRES RECITS
de : Carlos Liscano Des exercices de style virtuoses et souvent drôles, empruntant divers genres ou formes - le policier, le conte picaresque ou le monologue - forment les nouvelles qui composent ce recueil... Autant d'histoires où s'entendent en écho les influences avouées de l'écrivain : Onetti, Céline, Kafka, Beckett. Avec une extraordinaire modernité, Carlos Liscano parvient à mêler l'absurde au réalisme et la naïveté à la rage. Car, si c'est bien dans le cœur oppressif et moite d'une prison uruguayenne qu'il a commencé à écrire, une des grandes singularités de ce recueil tient au fait que Carlos Liscano ne raconte pas ce qu'il est en train de vivre comme s'il s'agissait de la simple confidence d'un prisonnier politique. Carlos Liscano " rapporte " des faits et des sentiments humains, mais, à ce verbe, il offre un sens absolument inventif, et la réalité uruguayenne se trouve transmutée, fondue dans les timbres si singuliers de sa voix. |
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le rapporteur et autres récits de carlos liscano ont été une découverte pour moi. je ne connaissais pas cet auteur uruguayen.
le livre est composé de dix réctits, et chaque récit est un petit roman, et chaque petit roman est une perle. dix récits écrits, pour certains, en prison, les autres, en éxil (en suéde) carlos liscano nous rapporte ses aventures, souvent drôles, parfois cruelles, mais toujours pleines d'humour. je n'ai pas pu rester indifferente à ce que je lisais ! ce livre est si plein d'amour au travers des différentes vies de liscano, qu'on ne peut que l'aimer en retour ! j'ai enormément aimé ce livre et chaqu'un des récits qui le composent! carlos liscano est un grand auteur !! la rouge |
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Le fourgon des fous (Broché)
de Carlos Liscano, Jean-Marie Saint-Lu (Traduction) Plus qu'un témoignage, une réflexion sur l'homme et son inextinguible appétit de vivre, sur la nécessité de comprendre l'inimaginable. Sans cris, sans fureur, un plaidoyer vibrant pour le droit à la dignité, un récit pudique et bouleversant. Montevideo, 1972. Carlos Liscano est jeté en prison par le régime militaire à l'âge de vingt-trois ans. Il en sortira treize ans plus tard. Il aura connu la torture, les humiliations, la honte, les étranges relations qui lient victimes et bourreaux, l'absurdité d'un système qui veut lui faire avouer quelque chose qu'il ne sait pas. Mais il aura aussi connu la résistance envers et contre tout, l'amitié indéfectible qui se noue entre camarades d'infortune, l'urgence de l'ouverture au monde et, par-dessus tout, le pouvoir libérateur de l'écriture. Le 14 mai 1985, avec ses derniers compagnons, Carlos Liscano est embarqué dans un fourgon qui va le mener vers la liberté. Une liberté inquiétante, douloureuse, impossible... |
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Critique
Au miroir du cachot LE MONDE DES LIVRES | 11.05.06 | 13h34 epuis vingt ans qu'il est un homme libre, Carlos Liscano fait souvent le même cauchemar. Il est deux heures du matin. Des hommes font irruption chez lui, le tirent du lit par les pieds, lui lient les mains dans le dos, lui passent une cagoule et le jettent dans une camionnette. Direction, le pénitencier de Libertad. La scène se passe en Uruguay. Et le rêve est l'exact reflet de ce qui fit, ce soir-là, basculer le destin de Liscano. C'était le 27 mai 1972. Sa soeur faisait une fête pour ses 16 ans. Il avait promis d'en être. Promis qu'il passerait. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il n'était pas à l'heure pour la réunion de famille... Il ne réapparaîtra que treize ans plus tard. Entre-temps, Liscano aura appris la mort de sa mère et le suicide de son père. Mais, surtout, cet ancien guérillero aura fait l'apprentissage de la torture, de l'humiliation gratuite, du combat quotidien pour la "dignité". C'est ce qu'il raconte dans Le Fourgon des fous, son troisième ouvrage traduit en français. Après la révélation qu'avaient été La Route d'Ithaque (Belfond, 2005) et Le Rapporteur et autres récits (10/18, 2005), ce livre, bien plus qu'un témoignage, est une tentative pour comprendre de l'intérieur les rouages de l'inhumanité. Un récit sobre et puissant qui vous prend à la gorge et vous laisse groggy. Mais reprenons. Né en 1949, Carlos Liscano grandit à Montevideo, dans le barrio de La Teja, un quartier pauvre surtout peuplé d'émigrés italiens. Très jeune, il rejoint le mouvement de guerilla urbaine des Tupamaros. Arrêté peu avant le coup d'Etat militaire de 1972, il est incarcéré pendant douze ans, quatre mois et vingt jours. Motif : "attentat à la Constitution". PRIVÉ DE TOUT Comme Pramoedya Ananta Toer, le grand écrivain indonésien disparu le 30 avril (Le Monde du 5 mai), c'est en prison que Liscano va concevoir la majeure partie de son oeuvre. Jamais il n'avait pensé écrire. Il voulait faire des maths, "de la recherche en mathématiques pures". Mais le voilà privé de tout, seul, face au peu de papier alloué aux détenus pour communiquer avec leurs familles. Il se met donc à écrire, chaque jour, entre quelques minutes et une demi-heure. Des choses qui viennent "par impulsion". De rares moments de grâce entre deux séances de "baril" ou de "chevalet", entre deux rondes de gardiens, entre l'abattement physique et le sentiment d'inutilité. Il rédige en lettres minuscules pour économiser l'espace. Jusqu'au jour où un codétenu qui s'apprête à être libéré lui propose de faire sortir ses écrits. Comment ? En collant les papiers, coupés en languettes, sous la table d'harmonie de sa guitare. A sa libération, en 1985, Liscano retrouvera ses précieux feuillets qu'il lui faudra déchiffrer à la loupe. Il y a, dans cette guitare, la matière de sept livres ! L'être au miroir du cachot : ainsi pourrait-on résumer ce Fourgon des fous. Liscano n'écrit pas pour "s'évader". Il veut au contraire creuser la condition de détenu. Montrer que la prison, la torture, la douleur physique peuvent être des "portes d'accès à la connaissance de soi". Il y a d'abord le corps, soumis à l'asphyxie dans le baril d'eau trouble et le dégoût pour "cet animal sale, compissé, cette chair avilie à force de coups". Il y a la nausée de la crasse, de "l'urine sur les vêtements, de la bave et des restes de nourriture collés à la barbe" : l'horreur de se dire : "je suis dégoûtant". Et, dans le même temps, l'impossibilité de demander à ce corps de résister tout en lui disant qu'il vous répugne. "Je ne trouve pas comment expliquer à quel point le dégoût de son propre corps fait qu'on se voit différemment, et que cette connaissance est là pour la vie", écrit-il. Peut-être faut-il apprendre à "aimer l'animal qu'on est, qu'on peut redevenir à tout instant, pour continuer à être humain". Il faudrait pouvoir citer ces pages où Liscano analyse le processus mental qui s'enclenche sous la torture : l'esprit qui erre au hasard, les mots que l'on croyait ravalés et qui reviennent au moment où l'on s'y attend le moins. Il y a aussi l'étrange dialectique du tortionnaire et du prisonnier, la relation de "dépendance, de connaissance réciproque et même de confiance" qui s'instaure entre eux. Les moments où le tortionnaire "envie" le prisonnier parce qu'il sait que jamais ce qu'il fait, lui, n'aura une quelconque "valeur". D'où peut-être cet aveu saisissant de l'auteur, cette "conviction primitive, qui va bien au-delà de la littérature, (...) que, si une autre vie avait été possible pour (lui), (il) ne l'aurait pas choisie". Liscano ne joue pas les innocents. Il a lui-même eu recours à la violence. Il ne feint pas d'oublier son passé de rebelle. Il cherche, en toute sincérité. Quoi ? Quelque chose qui n'a rien d'une abstraction. Une manière de penser la dégradation infinie qu'un homme peut infliger à un autre homme. Et le moyen de la transmuer en parvenant à l'écrire d'une façon simple, très simple, mais qui s'inscrit dans la chair. -------------------------------------------------------------------------------- LE FOURGON DES FOUS (El Furgon de los locos) de Carlos Liscano. Traduit de l'espagnol (Uruguay) par Jean-Marie Saint-Lu, Belfond, 168 p., 16 €. Florence Noiville Article paru dans l'édition du 12.05.06 © le monde |
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Souvenirs de la guerre récente (Broché)
de Carlos Liscano, Jean-Marie Saint-Lu Broché Editeur : Belfond (15 février 2007) Langue : Français ISBN-10: 2714442439 ISBN-13: 978-2714442437 Dans la lignée des plus grands chefs-d'œuvre de la littérature latino-américaine, un roman magnifique sur l'aliénation de l'individu et les paradoxes de la liberté et de l'enfermement. Une écriture dépouillée, un imaginaire absurde et poétique inspirés du Désert des Tartares. Une nuit, un jeune homme est arrêté et enrôlé pour une guerre dont personne ne sait rien. Dans un camp isolé, il commence son entraînement militaire. Successivement affecté à la garde d'un rocher, puis au ramassage du crottin, il est ensuite promu gratte-papier et traduit des brochures sur les pneumatiques pour véhicules de montagne, sur le mobilier pour maisons de bord de mer, ainsi que le mode d'emploi d'une fusée. La vie s'écoule. On proclame férié le jour de changement d'uniforme, les hommes décernent un prix du plus beau jardin potager... Assis à son bureau, le narrateur s'invente une nature rêvée, et s'échappe dans des forêts d'arbres imaginaires... Les jours et les années passent, mais l'ennemi reste invisible... |
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L'impunité des bourreaux : L'affaire Gelman (Broché)
de Carlos Liscano Broché Editeur : Bourin Editeur (15 février 2007) Collection : DOCUMENT Langue : Français ISBN-10: 2849410594 ISBN-13: 978-2849410592 Après le coup d'Etat militaire de 1976 en Argentine, le grand poète et intellectuel de gauche argentin Juan Gelman s'exile au Mexique. Son fils âgé de 20 ans est exécuté ; on retrouvera son corps treize ans plus tard. Sa belle-fille, âgée de 19 ans et enceinte, disparaît. Gelman n'a aucune nouvelle de la jeune femme jusqu'au moment où, en 1978, il reçoit, via le Vatican, un bref message " The child was born ". Alors, obstinément, pendant vingt-cinq ans, Gelman recherchera cet enfant et traquera la vérité. L'Impunité des bourreaux est l'extraordinaire et minutieux récit par Carlos Liscano de cette enquête qui conduira finalement le poète argentin à retrouver " l'enfant ", sa petite-fille, en Uruguay. Elevée dans la famille d'un policier, elle ignorait tout de ses origines. Récit de la ténacité d'un homme, L'Impunité des bourreaux raconte aussi les exactions des dictatures militaires qui ont sévi dans les pays d'Amérique latine (Argentine, Uruguay, Chili, Paraguay...). Sous ces régimes, les gouvernants s'appropriaient les enfants de militants assassinés pour les donner à de " bonnes familles ". Ensuite, les silences, les connivences, les mensonges et, parfois, les jeux troubles de la politique, ont institué l'impunité des bourreaux. Le récit de Carlos Liscano est suivi d'un entretien avec Pierre Boncenne. BRÈVE CHRONOLOGIE HISTORIQUE En accord avec Carlos Liscano, la version française de ce texte est précédée d'une chronologie établie par nos soins. Le lecteur y trouvera les principaux éléments lui permettant de se repérer dans ce document. EN URUGUAY Années 1960 : Après avoir connu au XXe siècle deux périodes de grande prospérité au point d'avoir été qualifié de «Suisse de l'Amérique latine», l'Uruguay entre dans une ère de crises économiques, sociales et politiques. Le pays, gouverné depuis 1831 par deux partis, le Colorado et le Blanco (appelé aussi Partido Nacional), se dote d'une nouvelle Constitution (1966) avec un président élu pour cinq ans. Un groupe armé d'extrême gauche pratiquant une très violente guérilla urbaine devient de plus en plus actif : ce sont les tupamaros (par référence au rebelle inca du XVIIIe siècle, Tûpac Amaru II). De l'autre côté, on voit surgir des mouvements d'extrême droite tels que les escadrons de la mort. Assassinats, enlèvements, pillages de banques, vol d'armes, etc. se multiplient. 1968 : proclamation de l'état d'exception. À gauche, une large coalition, le Frente Amplio, se crée pour tenter d'échapper au bipartisme Colorado/Blanco. 1970 : Assassinat d'un fonctionnaire américain, puis, en 1971, kidnapping de l'ambassadeur britannique. La répression menée par les militaires devient de plus en plus implacable. En 1972, Montevideo, la capitale, est le théâtre d'un véritable affrontement guerrier entre les tupamaros et l'armée. (...) |
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Ma famille (Poche)
de Carlos Liscano Poche: 63 pages Editeur : Editions théâtrales (31 août 2001) Collection : Theatrales Jeun Langue : Français ISBN-10: 2842600878 ISBN-13: 978-2842600877 Dans ce pays-là, on vend les enfants. On en vend un quand on a du mal à finir le mois ou quand il faut un nouveau frigidaire. On les rachète parfois aussi, par exemple pour faire une fête de famille. Le narrateur raconte son parcours, du petit garçon que ses parents ne mettaient pas sur le marché parce qu'il n'était pas beau, à l'homme qu'il est devenu et qui tout naturellement s'est mis à vendre son père. On traverse cette histoire traitée avec cocasserie et tendresse en admirant la virtuosité d'un auteur qui nous fait passer du récit au théâtre sans qu'on n'y prenne garde. |
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Souvenirs de la guerre récente
de Carlos Liscano Pour mieux comprendre, il faudrait revenir à la date du 1er février 1981, en Uruguay. Carlos Liscano est en prisondepuis huit ans pour raisons politiques. Entre deux séances de torture qui le laissent exsangue, ses journées s’écoulent lentement. Afin d’occuper ce temps infini, il décide, à partir de ce jour, d’imaginer un premier « roman mental ». Un livre qu’il se murmure et qui l’aide à survivre au-delà du délire, à contrôler sa pensée dans ce cachot minuscule sans eau, sans lumière, sans compagnon, sans papier ni crayon. Il n’en sortira qu’en 1985, s’exilant alors en Suède, avant de rentrer, onze ans plus tard, dans son pays. La geôle, la douleur, la force de survie, Liscano en parlera, longtemps après, dans Le Fourgon des fous, traduit en français l’an passé. Le voyage, l’exil, la soif de liberté, il les évoquera dans La Route d’Ithaque, traduit en 2005 (1). Mais cette première expérience « mentale » engagera toute la carrière d’un créateur qui sait que l’écriture doit canaliser les idées et préfère la puissance des silences aux développements psychologiques. Souvenirs de la guerre récente, qu’il écrivit en 1988 et qui sort aujourd’hui en France, opte pour cette économie de moyens. Carlos Liscano y développe une fable sur l’attente, ouvertement inspirée de Dino Buzzati et du Désert des Tartares. Car, explique-t-il dans sa préface, « j’ai passé ma vie à essayer d’écrire des livres qui ressemblent aux livres que j’admire ». Son héros, anonyme, est arrêté chez lui par une patrouille et enrôlé dans une guerre dont nul ne sait rien. Entraînement militaire, patrouilles et tours de garde se succèdent sans justification. Le narrateur obéit, subit cette vie de soldat-prisonnier. Une logique absurde l’oblige à garder un rocher, ramasser le crottin, remplir des documents inutiles, accepter la routine pour mieux y échapper dans un imaginaire choisi. Comme son auteur, le héros s’évade par l’esprit, déniche dans les règles militaires un sens à sa vie, trouve dans les codes imposés une forme intérieure de domination. Dans cette fable magnifique, Liscano parie sur l’ironie. A chaque phrase, chaque situation insipide, il impose un style rigoureux, dégraissé, qui n’appartient qu’à lui. S’il évoque Buzzati ou Julien Gracq, c’est par respect pour les lectures qui naguère lui sauvèrent la vie, mais il dresse ses propres pièges, tantôt tragiques, tantôt ricanants. La poésie de Carlos Liscano, ses livres pour enfants, son théâtre – qui, avant ses romans, l’avait fait connaître en Europe –, ses fictions comme ses articles de presse partagent les mêmes obsessions. Il suffit de lire le récit L’Impunité des bourreaux (2), qui paraît parallèlement aux Souvenirs de la guerre récente, pour en vérifier la logique. Liscano y décrit l’enquête menée par le poète argentin Juan Gelman, exilé au Mexique. Son fils de 20 ans est exécuté, sa belle-fille, enceinte, disparaît. Sans nouvelles pendant plusieurs années, Gelman reçoit, via le Vatican, un message lui indiquant que le bébé est vivant. Pendant vingt-cinq ans, il recherchera sa petite-fille. « Ce livre est ma contribution au problème des disparus, je leur devais bien ça », précise Liscano. Un geste qui mit en danger sa vie et celle de sa famille. Mais cet argument, l’ancien membre des Tupamaros n’en a que faire. Après avoir passé tant d’années dans le silence d’un cachot, il veut démasquer la réalité, en finir avec le double langage et rester un marginal : une ultime force de résistance. (1) Le Fourgon des fous et La Route d’Ithaque sont parus chez Belfond, le second a été réédité en poche par 10/18 (2) Traduit de l’espagnol (Uruguay) par Françoise Thanas, Bourin éditeur, 250 p., 19 € Christine Ferniot © www.telerama.fr |
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La Route d'Ithaque vu par www.lmda.net
travers un roman et quelques récits, l'écrivain uruguayen Carlos Liscano s'échappe dans une quête sans apaisement autre que l'absurde. Ne nous fions pas à la lassitude du narrateur, son ton désabusé, son fatalisme pseudo-philosophique, son goût amer du ressassement qui entachent les premières pages de ce roman. Bientôt, La Route d'Ithaque quitte les ratiocinations et le piètre nombril du narrateur, pour croiser le monde qui l'entoure, si décevant soit-il. On comprend peu à peu qu'une glauque histoire de drogue lui a valu la prison, là-bas, en Uruguay. Comme son auteur, qui a quitté son pays après avoir été incarcéré et torturé par le régime militaire, il tente l'exil en Suède. Monde meilleur ? Une femme, un foyer, deux enfants d'un premier mariage de la belle, l'attendent. Serait-ce sa Pénélope ? Mais incapable d'assumer la sécurité d'une assommante et routinière vie petite-bourgeoise sans compter la langue rebutante il va fuir. D'abord pour trouver la communauté des immigrés, ensuite pour retrouver à Barcelone la langue espagnole. Le moindre intérêt de ce récit sans misérabilisme n'est pas de brosser un tableau sans indulgence ni complaisance politiquement correcte du milieu de l'immigration. Latinos, Asiatiques, Polonais ou Éthiopiens ne se font pas de cadeau. Ils cultivent leurs haines raciales, leurs délires politiques, ils s'entretuent pour des parcelles d'influence et de magots, pire que le monde scandinave doublement froid qui ne les accueille qu'avec la plus grande prudence, voire en les exploitant. Notons que la compagne provisoire et abandonnée de notre Vladimir, elle, fait preuve d'une grande humanité, même si elle n'est guère capable de comprendre son rejet fataliste de la société, son errance improductive... Plus loin, à Barcelone, il rejoint " la place la plus canaille de toute l'Espagne ". Partout " métèque ", il s'enfonce, non sans un narcissisme de la déréliction, parmi les marginaux de tous poils et de toutes drogues, jusqu'à la folie... Moins qu'une quête, il s'agit d'une fuite. Cette " littérature de pauvreté " selon les termes de l'auteur, et bien dans la lignée de Juan Carlos Onetti, autre écrivain d'Uruguay, confine au nihilisme du désenchantement. On pourra ne pas adhérer à cette anti-éthique, mais on devra reconnaître à Liscano un certain talent évocatoire, une prenante mélancolie. Roman de l'inadaptation, aussi bien métaphysique que sociale et politique, La Route d'Ithaque, faute d'autre référence à Homère, reste une odyssée contemporaine pour laquelle il n'y a que le chemin, ses embûches, ses déceptions et aliénations, et jamais d'Ithaque. Liscano est peut-être un nouvelliste plus incisif. Parmi un ensemble, certes inégal, où l'on discerne une fois de plus l'influence d'Onetti puis celle Kafka, voire Borges ou Camus, on est frappé par la variété de sa palette littéraire. Ces récits sont tantôt policiers, tantôt humoristiques, tantôt de l'ordre du monologue poétique... Il est cependant un peu facile (dans " Le gardien ") de confronter mendiant et vigile d'une alimentation de luxe pour les lier dans la même précarité. Heureusement le souffle vertigineux de l'absurde emporte ce récit dans lequel un prisonnier et son juge sont complices jusque dans la sujétion partagée aux tyrannies, fussent-elles administratives et légales. Seules l'autodérision et l'écriture, cette ironie constante envers les systèmes politiques, permettent au " Rapporteur " du récit-titre d'imaginer une échappatoire. Ce journal imposé par les tortionnaires mène-t-il au roman fantasmé ? " On accepte ce qui est tragique, tout le reste n'est que littérature ". C'est ainsi qu'il fuit et domine les outrages d'un emprisonnement sans autre motif que le caprice de la dictature. Carlos Liscano a vécu dans sa chair ce que Kafka avait vécu dans les pages de son Procès ; reste à savoir s'il n'a ajouté qu'une honorable variante, ou s'il a innové en y glissant une intonation ludique bien à lui... Carlos Liscano La Route d'Ithaque Belfond 324 pages, 19,50 e Le Rapporteur et autres récits 10/18 256 pages, 5,90 e Traduits de l'espagnol (Uruguay) par Jean-Marie Saint-Lu |
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Carlos Liscano
par Jean-Sébastien Stehli Victime de la junte militaire uruguayenne à 22 ans, c'est en prison que Carlos Liscano découvre l'écriture. Rencontre avec l'écrivain, dont l'œuvre reste profondément marquée par cette expérience. En 1971, Carlos Liscano, membre des Tupamaros, un groupe de guérilla urbaine en Uruguay, est arrêté. Il a 22 ans. Jeté en prison et torturé, il en sort treize ans plus tard et s'exile à Stockholm. Auteur du Fourgon des fous, qui raconte sa détention, il publie ces jours-ci deux livres: un roman, Souvenirs de la guerre récente, et L'Impunité des bourreaux. L'affaire Gelman. Ecrit comme un dossier de procureur, ce dernier reprend l'enquête qu'a menée pendant vingt ans le poète argentin Juan Gelman. En 1976, son fils, Marcelo, 20 ans, et la femme de celui-ci, Maria Claudia, 19 ans et enceinte, sont enlevés. On retrouvera le corps de Marcelo, mais celui de la jeune femme n'a jamais été découvert. En février 1978, Gelman reçoit un message énigmatique d'un émissaire du Vatican: «The child is born» (l'enfant est né). Rien de plus. Le poète commence alors une longue enquête pour retrouver l'enfant de son fils, «donné» à un couple de militaires urugayens. Pourquoi avez-vous écrit L'Impunité des bourreaux? - Je ne connaissais pas personnellement Juan Gelman, mais je connaissais ses livres, et je me sentais une dette personnelle envers les disparus. C'était mon motif profond. Je voulais raconter comment fonctionne la machine à fabriquer de l'impunité et apporter ma pierre à la reconstruction de la mémoire collective. En quoi consiste ce que vous appelez le discours de l'impunité? - Il exige de prendre ses distances par rapport aux faits grâce à des glissements sémantiques. Le discours de l'impunité est bien rond. Par exemple, l'ancien président de l'Uruguay Sanguinetti ne parle jamais d'enfants volés. Il dit: «Les enfants nés en captivité et qui ont perdu leur identité.» On dit non pas «dictature», mais «gouvernement de fait». La langue des dictateurs s'immisce dans tous les domaines: la politique, la science, l'art, l'école, la famille. Même les victimes finissent par l'utiliser. Votre livre est non seulement le récit de l'enquête de Juan Gelman pour retrouver sa petite-fille, mais il traite tout autant de l'importance des mots... - Oui. La langue est ce que l'humain possède de plus personnel. Dans une dictature, la torture n'est qu'une étape. L'objectif est de détruire tous les liens, tout ce qui unit les individus. Le symbole le plus puissant de ce réseau de liens est la parole, qui relie les générations entre elles, les enseignants aux élèves, les parents aux enfants, etc. Toute la parole créatrice de liens finit par pourrir. Quelles ont été les réactions à la publication de L'Impunité des bourreaux? - Avant sa parution, la presse ne parlait pas des disparus. Maintenant, elle en parle presque trop. Les journaux donnent des informations sur les disparus comme sur le foot, sans approfondissement, sans enquête. Il vaut mieux se taire plutôt que d'en parler mal. Votre roman, qui paraît au même moment, Souvenirs de la guerre récente, est très différent. Il traite de l'absurde. On y mène une guerre que l'on ne voit jamais. - Le sujet en est: comment vivre sa liberté. Le citoyen oscille toujours entre liberté et sécurité. Dans le monde entier, les prisonniers pensent que les gens en liberté sont des imbéciles: ils ne savent pas faire usage de leur liberté. C'est ce qui arrive au personnage de mon roman. La prison est une part extrêmement importante de ma vie. En dehors de ma naissance, ce qui m'est arrivé de plus important, c'est la prison. Je ne peux pas imaginer ma vie sans elle. Si je n'avais pas été détenu, je n'aurais sans doute jamais écrit. J'étais un enfant pauvre dans un quartier pauvre, j'aurais sans doute été ouvrier. Parfois m'apparaît l'autre moi, qui aurait eu une vie simple, de l'affection. Tout cela est perdu. Propos recueillis par Jean-Sébastien Stehli |
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